Posted by: APO | 3 December 2007

Europe Afrique: Une nouvelle ère


Europe Afrique: Une nouvelle ère

par Louis Michel

 

Nous sommes à quelques jours d’un Sommet historique qui réunira à Lisbonne les 8 et 9 décembre prochains l’ensemble des 27 pays de l’Union Européenne et des 53 pays africains. Ce sommet est porteur d’une nouvelle ambition pour le partenariat euro-africain. Il est en effet plus que temps de moderniser la relation entre nos deux continents.

 

L’Afrique vit désormais à l’heure de la globalisation. Pour la première fois depuis plus de trente ans, l’Afrique a enregistré pour la quatrième année consécutive une croissance économique réelle de plus de 5 %. L’Afrique, et son sous-sol riche en matières premières et en pétrole, est aujourd’hui courtisée par toutes les puissances de la planète, Etats-Unis et Chine en tête. Elle n’est plus perçue comme un “fardeau” mais comme une opportunité. De fait, l’Afrique est devenue pour tous un enjeu et un partenaire majeur tant sur le plan économique que politique.

 

L’Afrique s’affirme également comme une force internationale qui s’organise et veut peser. L’Union Africaine devient le cadre institutionnel de gouvernance continentale pour traiter non seulement les problèmes internes à l’Afrique mais aussi des grands défis du XXIème siècle comme le changement climatique, l’énergie, les révolutions technologiques.

 

Ces profondes mutations appellent de la part de l’Europe et de l’Afrique de “refonder” leur partenariat, autour de trois composantes essentielles.

 

Premièrement, la relation Europe-Afrique doit être fondée sur le principe d’une responsabilité partagée, entre partenaires égaux en droits et en devoirs. Cela nécessite une rupture avec l’afro-pessimisme et la vision caritative voire paternaliste qui n’ont que trop dévoyé notre partenariat. L’Afrique n’est pas une chasse-gardée européenne, ni la chasse-gardée des bien-pensants misérabilistes. Ensemble, nous devons pouvoir engager un dialogue politique plus franc, plus ouvert, permettant d’aborder ensemble, sans drame ni dogme, mais dans le respect et la confiance, même les sujets difficiles comme les droits de l’homme (qui ne résument pas au Zimbabwe), la corruption, les migrations mais aussi les subventions agricoles ou la fuite des cerveaux.

 

Deuxièmement, la relation entre l’Europe et l’Afrique doit se structurer autour d’un agenda global, au-delà de l’aide au développement. Il s’agit de poursuivre un dialogue et une coopération sur des questions d’intérêt commun telles que la gouvernance, le commerce, les infrastructures, le secteur privé, l’énergie, la culture. C’est ce que proposent la Stratégie et le Plan d’action élaborés conjointement par l’UE et l’UA en vue du Sommet. Cette coopération nous permettra de définir nos intérêts communs et de les porter ensemble dans les instances internationales, avec un plus grand potentiel d’influence.

Troisièmement, il convient de moderniser notre politique de développement en Afrique. L’aide n’est pas une fin en soi ; elle doit être un investissement qui stimule la croissance économique nécessaire à la lutte contre la pauvreté. Les réussites spectaculaires de pays comme la Tanzanie, ou le Rwanda, ont pour point commun de combiner une vision nationale claire et à long terme du développement économique équitable, combinée à une bonne gouvernance et à une aide au développement importante et organisée. C’est ces cercles vertueux que nous devons multiplier en Afrique. Sous l’impulsion de la Commission européenne, l’UE a profondément revu sa politique de développement depuis 2005. Suite à sa décision de porter 0.7% de son PNB à l’aide au développement à l’échéance de 2015, L’UE s’est engagée à ce que la moitié des 20 milliards d’euros additionnels ainsi dégagés bénéficient à l’Afrique. Et nous sommes sur la bonne voie.

 

La Commission européenne entend également améliorer l’efficacité globale de l’aide de l’UE en Afrique en renforçant la division du travail entre Etats membres pour éviter le saupoudrage de l’aide. L’autre élément-clé de notre aide est la responsabilisation des pays africains dans leur choix de développement et en matière de gouvernance.

 

Il s’agit enfin de renforcer les mesures d’aide au commerce. La part de l’Afrique dans le commerce mondial a chuté en termes absolus de 5% il y a vingt ans à moins de 2 % à l’heure actuelle. L’objectif des Accords de Partenariat Economique (APE) est de contribuer à renverser cette tendance et de dynamiser les économies africaines. Les APE visent à promouvoir le commerce par la constitution de marchés régionaux mieux intégrés et par une libéralisation progressive et asymétrique des échanges des biens et des services entre ces régions et l’Europe. Ce n’est pas de la libéralisation bête et méchante mais une libéralisation encadrée. Toute région africaine pourra continuer à protéger des produits qu’elle considère sensibles. Enfin, les APE seront accompagnés d’une forte aide additionnelle (2 milliards d’euros par an) en appui au commerce et d’un montant de 5.6 milliards d’euros pour construire les infrastructures nécessaires pour connecter et faire fonctionner les marchés régionaux. Aucune autre puissance dans le monde ne fait autant que l’Europe pour aider l’Afrique et accompagner ses relations commerciales par une dimension importante de développement.

 

Tout changement appelle des résistances. Mais je suis confiant et convaincu qu’ensemble Européens et Africains sauront, à travers ce nouveau partenariat, prendre la mesure de leur communauté d’intérêts et de destin dans le monde globalisé.


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